« YAB & le mépris du vivant »

- Postface -


« De nos jours, le candidat à la littérature, ou plutôt le candidat-artiste à la littérature, ou plus exactement le candidat-artiste à la littérature au ventre qui réclame et à la bourse vide, se trouve confronté à un violent paradoxe. Comme candidat, il est un homme qui n'a pas réussi, et un homme qui n'a pas réussi n'attire pas la popularité. Comme homme, il doit manger, or sa bourse est vide. Comme artiste possédant une authentique âme d'artiste, son plus grand plaisir consiste à épancher la joie de son coeur dans un texte imprimé. Et voici donc le paradoxe auquel il est confronté et qu'il doit résoudre : comment et selon quels usages doit-il chanter la joie de son coeur pour qu'une fois imprimé, ce chant lui fasse gagner son pain ?

« Seule la vérité perdure, susurrent les perspicaces. Soyez visionnaire et nous nous souviendrons de vous, et nos enfants ainsi que les enfants de nos enfants se souviendront de vous. » Le candidat-artiste s'assied alors à sa table et donne forme et substance au beau et au vrai éternels. « C'est trop puissant » dit le rédacteur en chef. « Ce qui est une autre façon de dire « trop vrai »» rétorque le candidat-artiste. « Exact, répond le rédacteur en chef. Cela me coûterait un millier d'abonnés. Sachez, ô jeune homme hardi, que je ne veux pas de visions ; mes abonnés répugnent à débourser leur honnête argent pour des visions.» « Vous... ne voulez pas... de la vérité ? » demande le candidat-artiste d'une voix tremblante.
« Ce n'est pas cela, répond le rédacteur en chef. Mais vous feriez bien d'apprendre qu'il y a vérité et vérité, et vérité encore. Nous voulons la vérité, mais ce doit être une vérité atténuée, une vérité diluée, une vérité insipide, inoffensive, une vérité conventionnelle, une vérité élaguée. Là, vous tiendrez le bon bout ! Elaguez votre vérité jeune homme. Sortez vos ciseaux, taillez, et nous ferons affaire.» « Mais c'est mon immortalité que je taille ! » s'écrie le candidat-artiste. « Vous avez fait erreur, conclut le rédacteur en chef avec fermeté. Je ne fais pas commerce d'immortalité. Bonne journée. »

Jack London dans « Quiconque nourrit un homme est son maître » (Les éditions du sonneur)

Tous les livres méritent-ils d'exister ? La maxime de Desproges :
« Un livre n'est pas fait pour être lu mais seulement pour être vendu » serait-elle devenu la devise des principaux éditeurs de livres du 21e siècle ? Ceux qui sont devenus éditeurs en aspirant à être les honorables diffuseurs de la pensée humaine doivent être les proies d'une accablante désillusion... Car la vérité brûle.

Alors un manuscrit honnête et appliqué que les éditeurs renoncent à publier mérite-t-il le bûcher ? Soumis aux seules lois commerciales, les éditeurs doivent-ils être seuls à décider de l'intérêt public d'un texte ? Seraient-ils devenus, pour la plupart, les garants d'une culture nationale tamisée ou pire, de sinistres exploiteurs de talents modérés ?

Alors que l'édition souterraine parvient encore, à son échelle et dans la lutte, à diffuser quelques livres vrais, les éditions monopolistiques surproduisent en valeurs sûres et stériles, saturent le marché de livres commerciaux ce qui étouffe les micro-structures éditoriales encore assez libres et audacieuses.

Au coeur de la société marchande, n 'accordons aux éditions de livres que l'importance qu'elles méritent, c'est-à-dire celle de simples entreprises humaines soumises aux lois inhumaines du marché.

Bonne lecture,

Willy Dynamite.




Exposition 
« Vu de la Terre »
- compositions photographiques -


par Willy Dynamite